Homélie du 6ème dimanche ordinaire 16 février 2025
« Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous ! »
Cette phrase m’a reporté quelques années en arrière, lorsque j’ai visité mes frères au Sénégal, et en
particulier Marcel mon cousin. Lorsqu’il arrivait dans un village, toute la population s’aglutinait
autour de sa voiture et manifestait sa joie à grands cris, avec de grands rires. Tous ces gens étaient
poussiéreux, vêtus souvent de haillons. Tous, ou presque de religions musulmane. C’était pourtant
la fête. Dans ses petites calebasses, ce n’était pas des friandises qu’il apportait. C’était des graines, de
salade, de choux et de carottes pour qu’ils puissent planter, manger et vendre le produit de leur
jardin. Le puits creusé depuis quelques années était le lieu de rassemblement. L’eau était le liquide
nourricier.
La fête avec presque rien. La joie était communicative. Marcel se levait vers 5 heures du matin,
faisait son oraison, célébrait la messe, prenait une Ricorée et un morceau de pain et partait. Ses
voisins voyaient la petite lampe de son église brûler à partir de 5h30. Ils savaient qu’il était là et
qu’il veillait auprès du Seigneur. Lui aussi était un pauvre parmi des pauvres. Je me souviens de
notre retour vers 16h. On nous avait préparé un Yassa, un poulet aux oignons. Nous en avons pris
chacun une part et le reste du plat a fait grand plaisir à tous ces jeunes qui n’attendaient que çà .
Marcel était un pauvre parmi les pauvres. Les béatitudes, il les vivait dans sa vie de broussard du
Bon Dieu . Combien de fois, en lisant le passage de l’Écriture d’aujourd’hui n’ai-je pas pensé à lui !
Il vivait les béatitudes sans tambour ni trompette. Il était pauvre parmi les pauvres.
Oui, les béatitudes, nous ne les vivons pas en agitant un drapeau. Nous les vivons dans notre vie de
tous les jours. Nous les vivons dans la banalité de notre vie, dirai-je. Mais notre vie est-elle si
banale que cela ? Non, notre vie est au contraire le lieu de vie même de Dieu avec nous, en nous.
Tout homme est une histoire sacrée, chantons-nous. C’est bien dans cette histoire que le Dieu des
Béatitudes vient nous rejoindre. Jésus-Christ s’est incarné dans cette vie d’homme pour lui montrer
un chemin, celui justement que lui ouvrent les béatitudes, un chemin de don et de pardon. Ne
cherchons pas les actions d’éclats, mais faisons des gestes quotidiens, des gestes d’amour. Nos
pauvretés peuvent être les vrais richesses.
« Heureux l’homme qui met sa foi dans le Seigneur… Il sera comme un arbre planté près des eaux,
qui pousse ses racines » Aujourd’hui on voit le bienfait des haies vives et on en replante. Nos
centre-ville voient des plantations d’arbres, de parterres. On pensait pouvoir vivre sans cette nature
qui nous fait tant de bien. On s’aperçoit aujourd’hui qu’on en a besoin. La sagesse veut qu’on la
protège. L’homme n’est pas un solitaire. Il vit au milieu d’une nature qui lui montre la sagesse de
Dieu. Et déjà le prophète Jérémie le comparait à un arbre qui pousse ses branches près de l’eau ;
Cette eau nous inonde depuis le baptême et la fontaine ne tarit pas. A nous de faire en sorte que
cette eau soit eau vive en nous et pour le monde.
« Heureux l’homme qui met sa foi dans le Seigneur », avons-nous chanté comme refrain du psaume.
L’homme des béatitudes est bien celui qui, chaque jour, met sa foi dans le Seigneur, celui qui
renouvelle sa confiance à son Sauveur. Il ne le fait pas du bout des lèvres. Il le fait avec son cœur,
avec toute sa vie, avec toute son énergie. Et, lorsque l’ardeur est en baisse, il demande au Seigneur
la grâce de le renouveler dans la foi, dans l’espérance et la charité. Il sait où puiser cette force. C’est
dans la force de l’Amour ; c’est dans le Cœur ouvert du Christ sur la croix. C’est devant le tombeau,
où la pierre a été roulée, qu’il participe à la Résurrection du Christ. Oui, l’homme des béatitudes est
un homme en recherche constante de son Seigneur. Car qui peut vraiment vivre les béatitudes sinon
le Christ lui-même dont elles sont le portrait. Il est le pauvre, il est le miséricordieux, il est le doux
et nous en sommes les témoins dans la vie de tous les jours. « Réjouissez-vous, tressaillez de joie,
car votre récompense est grande dans le ciel ! » Oui, réjouissons-nous car le Seigneur nous invite à
l’imiter et à vivre avec lui l’Esprit des Béatitudes