Homélie du 3ème dimanche de Carême 23 mars 2025
« Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier » Luc
13,8
Si j’ai planté un arbre fruitier, c’est bien pour récolter un fruit et m’en délecter. Si cet arbre est stérile
il ne sert à rien sinon à faire de l’ombre et c’est déjà un bien pour la biodiversité. Mais le figuier de
l’Évangile a vocation à donner des figues et ce n’est pas le cas. Tout homme qui plante sait bien que
la récolte n’est pas assurée. Celui qui plante doit s’armer de patience avant de voir poindre le
premier fruit. Il doit aussi y mettre du sien, bêcher, mettre du fumier, travailler la terre et puis
ensuite émonder, tailler, enlever tout ce qui peut nuire à la croissance et à la venue de beaux fruits
savoureux. La patience du semeur, de l’horticulteur, du travailleur de la terre, du vigneron, est mise
à l’épreuve. Tant de paramètres sont à considérer. Il faut prendre soin et cela demande du temps et
de l’engagement. Et dans notre monde de l’immédiateté, prendre du temps devient perdre son temps.
Pourtant le lien que Luc fait entre le vigneron et notre Dieu est clair. La patience de Dieu est infinie
comme son éternité . Et c’est la chance que nous avons, d’avoir un Maître qui est patient avec nous,
les pécheurs, un maître qui sait attendre que nous disions oui à sa volonté. Car le Christ sait attendre
que je décide moi-même de le suivre.
Le Christ, en bon horticulteur qu’il est, sait que, dans mon cœur il y a cette étincelle de vie qui va
s’animer, s’allumer et me fera vivre. Mais, comme pour la sève du figuier, il faudra peut-être
longtemps avant qu’elle puisse s’épanouir et faire germer le fruit d’amour, d’espérance que le
Seigneur souhaite voir apparaître. Le Seigneur prendra soin de cette sève qui contient en elle toute
la puissance de vie et qui donnera le beau fruit de miséricorde et de tendresse que nous désirons
tous. Cette petite sève, Péguy l’a bien décrite lorsqu’il a parlé de cette petite fille espérance qui nous
étonne toujours. Que serait un monde sans espérance ? Nous sommes tous des êtres d’espérance et
nous avançons dans la vie avec cette petite fleur espérance au cœur. Oui, j’espère de beaux et bons
fruits. Oui j’espère que l’arbre noueux que je suis pourra donner ce fruit savoureux. Mais il faudra y
mettre du mien. Il faudra affronter la vie. L’arbre n’affronte-t’il pas le vent, la tempête, la pluie, le
soleil brulant et tant d’autres agressions ! Ma vie, notre vie à nous les humains doit, elle aussi,
affronter bien des agressions, bien des morts à soi-même. Mais c’est là au cœur des nos désirs les
plus fous que nous devons découvrir cette espérance qui fait vivre.
Dans l’Ancien Testament « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob » se manifeste et
apporte la délivrance au Peuple retenu en Egypte. « J’ai vu la misère de mon Peuple qui est en
Egypte et j’ai entendu les cris sous les coups des surveillants » J’ai pensé à des images de la
télévision, j’ai pensé aux habitants de la Syrie, de Gaza, d’Ukraine, de la République du Congo. J’ai
prié pour que le Seigneur entende les cris des hommes d’aujourd’hui, de ceux qui sont bafoués dans
leurs droits humains. Que le bel arbre de la Création soit respecté et d’abord l’homme à qui Dieu a
confié la terre. Prendre soin de l’homme, de l’humain, c’est rendre à Dieu le culte qui lui revient, lui
le Créateur de tout bien. C’est faire fructifier ces fruits d’amour, de paix, d’espérance qui habitent
l’homme créé à l’image de Dieu. « Le Seigneur est tendresse et pitié », avons-nous chanté comme
refrain du Psaume 102. Cette tendresse et cette pitié sont infinies. Dieu va chercher l’homme au plus
profond de la création et il l’aime. « Il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie… Il
te couronne d’amour et de tendresse. » C’est ainsi que le Seigneur soigne l’homme, le pécheur. Il
l’aime profondément et lui permet alors de donner le fruit savoureux qu’il attend de lui, un fruit
d’amour, de tendresse, d’espérance.
En terminant, je retiendrai l’exhortation de Paul aux Corinthiens : « Celui qui se croit solide, qu’il
fasse attention à ne pas tomber » Nous sommes des pécheurs, des pécheurs pardonnés certes, mais
des pécheurs quand même. Si nous voulons porter des fruits, il nous faut reconnaître que nous avons
besoin du pardon, signe de l’amour pour chacun de nous. Pardon reçu et donné, comme le Christ ne
cesse de le faire à celui qui le lui demande. « Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant ! »