Homélie du 3 avril 2022

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Homélie du 5ème dimanche de Carême

Est-il facile pour nos yeux de terriens de voir pointer la nouveauté de Dieu : « Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? » Il faut de bons yeux pour voir dans ce monde fou cette fameuse chose nouvelle que Dieu vient instaurer dans nos vies. Et pourtant devant ma fenêtre s’épanouit le cerisier du voisin. Il est tout blanc. Si le gel ne vient pas tout contrarier, les fruits devraient être nombreux, régalant et les oiseaux du ciel et les humains qui n’attendent que cela. Oui, mais l’aridité de la vie humaine du moment nous submerge parfois : le guerre qui s’est rapprochée de nous, le climat dégradé qui fait craindre de plus en plus de catastrophes, une pandémie qui a du mal à reculer, la surdité de l’homme devant tous ces problèmes de vie. Tout cela nous marque et nous inquiète avec raison. Et pourtant au cœur de cette aridité, il y a des gestes qui rassurent : l’accueil des réfugiés Ukrainiens, la mobilisation contre la haine, notre Eglise qui se mobilise enfin pour faire reculer le mal en son sein, notre Pape en première ligne pour plus de clarté, plus de compassion et pour la paix… On nous a souvent dit que Dieu écrit droit sur les lignes courbes de nos vies.

Regardez-le aujourd’hui écrire sur le sable tandis que les accusateurs de la femme adultère veulent qu’il se prononce contre elle, qu’il la condamne comme eux la condamnent. Lui, imperturbable, continue à écrire, à dessiner sur le sable : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Ils ne doivent pas être très fiers d’eux-mêmes, eux qui s’en vont en commençant par les plus âgés. N’est-ce pas cette chose nouvelle que vient apporter le Seigneur ? On ne lynche pas le pécheur, mais on lui pardonne et on l’encourage à ne pas recommencer. Le Seigneur regarde le cœur de la personne, de la femme adultère comme du prodigue dimanche dernier, comme du frère aîné déstabilisé par cet amour sans condition du Père. Voilà une conduite nouvelle. Le Seigneur n’est pas un vengeur. Il fait crédit au pécheur. Il donne son pardon et de pécheresse reconnue comme telle, cette femme, pardonnée, devient un témoin de son Amour, de sa miséricorde pour toute l’humanité pécheresse. Le Christ déteste le péché, mais il aime le pécheur et il le relève.

Paul, qui sait bien ce qu’est le pardon du Père pour l’avoir éprouvé dans sa chair, dans sa vie d’homme,dit cette phrase qui peut nous inspirer tous ce matin : « Oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ-Jésus. » Paul a fait cette expérience extraordinaire d’être entièrement pardonné par le Seigneur qu’il a persécuté pendant longtemps. Il a éprouvé le pardon qui lui a redonné la vie et une vision pour l’avenir. Il lui a ouvert un horizon dont il ne se doutait même pas.

Je crois fermement que ce qui est arrivé à cette femme jugée et condamnée par les hommes, ce qui est arrivé à Paul, c’est bien la nouveauté du règne de Dieu instauré en Jésus-Christ. Rien n’est plus comme avant. L’avenir est ouvert, le printemps est là et déjà la moisson pointe à l’horizon. Nous sommes faits pour les grands espaces, pas pour les avenirs restreints, rabougris. Disciples de celui qui va mourir et ressusciter, notre horizon est à la fois universel et éternel parce qu’il rejoint celui du Dieu d’amour réalisé en Jésus-Christ. Le tombeau ouvert du matin de Pâques est déjà devant nous. Il nous faut passer par la mort avec Jésus, mais quelle lumière, quel horizon magnifique éclatent devant nous.

Je vais parfois dans une jardinerie. J’aime les plantes, les fleurs, petites et grandes. Je m’arrête parfois devant les bonsaïs. J’admire, mais en même temps je préfère les grands arbres qui s’élèvent dans le ciel. Et je me dis : « Ne soyons pas des bonsaïs noueux et tordus. Soyons des arbres qui s’épanouissent et montent vers la lumière, attirés qu’ils sont par la lumière et la chaleur du Seigneur. » Bien enracinés en bonne terre, nous serons alors de vrais disciples missionnaires, attirés par la seule lumière qui vaille, celle de l’épanouissement en Dieu. Nous n’oublierons pas nos frères et sœurs. Nous les convierons à découvrir ce merveilleux secret qui nous fait vivre. J’aime à voir ces beaux bosquets où chacun rivalise pour s’approcher davantage de la source de la lumière. Montons ensemble vers la lumière de la Pâque !