Homélie du 23ème dimanche ordinaire 8 septembre 2024
« Effata ! C’est-à dire ; Ouvre-toi ! Et ses oreilles s’ouvrirent et sa langue se délia… »
Devant ce texte des images nombreuses se sont superposées devant mes yeux. Ce sont celles
d’abord de tant de personnes handicapées rencontrées lorsque j’étais aumônier National de la
Fraternité Chrétienne des Personnes Malades et Handicapées. Dans cette population de personnes
handicapées très différentes, les yeux des bien-voyants devenaient les yeux de ceux qui ne voyaient
pas et les jambes de ceux qui marchaient devenaient les jambes pour les personnes en fauteuils
roulants. Ce que l’un ne pouvait pas faire, l’autre lui permettait de le réaliser. Chacun prenait en
charge l’autre tel qu’il était. Et il en était de même au niveau de la foi et de l’engagement chrétien. Et
tout cela se réalisait dans des vies cabossées, mais dans une bonne humeur de tous les instants.
Ces premières images venues à moi se sont complétées avec celles de l’ouverture des jeux
paralympiques. Tous ces athlètes, ces artistes au corps mutilé nous ont donné un spectacle endiablé
et nous ont montré combien on peut être heureux même avec un corps qui semble diminué. Et les
performances auxquelles nous avons assisté nous ont montré combien leur vie est réussie. Ils nous
ont donné des raisons de vivre dans les situations les plus difficiles.
Le sourd de l’Évangile, muet du fait de sa surdité, a besoin de cette intervention du Christ pour se
libérer de ce carcan. C’est une chance pour lui. Mais nous n’avons pas tous le Christ sous la main
pour nous libérer ainsi. Encore que je pense à tant et tant de personnes handicapées que le Christ a
bien libérées, pas tant de leur handicap que de leurs peurs : peur du regard des autres, peur de
s’aventurer dans la vie ordinaire en ayant une affectivité qui se développe, peur de faire un pas
envers l’autre, peur de prétendre à une vie « normale », peur d’une relation au monde des dits « bien-
portants » Oui, le Christ les a aidés à se libérer et à se dire qu’être personne humaine, çà se situe
aussi à l’intérieur de soi-même, dans son cœur, dans son esprit. Et les athlètes que nous avons vus
nous ont montré combien nous pouvons tous faire reculer nos limites. Ils nous ont fait croire en
l’homme et à sa capacité d’avancer dans le vie avec les dons reçus, avec une volonté forte de réaliser
sa vocation humaine.
Et je ne peux m’empêcher de penser à celles et ceux qui ont cru en ces personnes et qui les ont
aidées à devenir ce qu’elles sont aujourd’hui. Je pense à ces parents qui ont cru dans la destinée de
leurs enfants, à ces personnes proches qui ont cru en elles et les ont aidées à devenir les athlètes
qu’elles sont aujourd’hui. Je pense à tous ces groupes sportifs qui les ont formés. Je pense à toutes
ces petites communautés où ils ont pu grandir dans leur humanité et dans leur foi. Et j’interpelle
l’Église ; A-t’elle pris conscience de la richesse de ces personnes ? Leur a-t’elle demandé leurs
besoins essentiels et a-t’elle profité de leur expertise de vie, de leur sagesse ?
« Dans votre foi en Jésus-Christ, n’ayez aucune partialité envers les personnes », nous dit St Paul.
S’il nous est arrivé de discriminer certaines personnes, que cette page d’Évangile nous fasse changer
notre regard, nos paroles, nos façons de voir. Jésus s’est arrêté pour voir le sourd et muet. Que nous
sachions nous arrêter nous aussi car ce sourd et muet a quelque chose à nous dire. Il nous dit
d’abord qu’il est homme comme tout homme et qu’il a droit à sa dignité. Il nous montre la fragilité
de l’homme, de la femme que je suis. Car pourquoi lui et pas moi ? Pourquoi je peux gambader tout
à mon aise et lui non ? Nous sommes de la même humanité, faits de la même chair. Nous devons
nous soutenir, nous supporter dans le meilleur sens du mot. Ce qui se dit de la personne peut aussi
se dire des états. Nous sommes du côté des riches et nous voyons des personnes prendre tous les
risques pour nous rejoindre parce que chez eux c’est la famine, c’est la discrimination, c’est la
guerre. Et nous, nous leur montrons nos richesses sans vergogne.
Allons mes frères et sœurs, montrons à tous et à chacun un grand respect car nous sommes tous
enfants du même Père, pétris de la même nature humaine. « Le Seigneur redresse les accablés et
ouvre les yeux des aveugles » Qu’il en soit ainsi de nous-mêmes !
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