Homélie du 1er dimanche de Carême 9 mars 2025
« L’homme ne vit pas seulement de pain »
J’allais rencontrer mon frère Claude dans le désert du Ténéré au Sénégal. La voiture avance dans
cette mer de sable. De temps en temps un épineux sert de balise. Pas un bruit. « Ne pense pas qu’il
n’y a personne. Il y a au contraire de nombreuses paires d’yeux braquées sur nous », me dit Claude.
Et, arrivés dans la cour de son dispensaire, de tout côté sortent en dansant au son des instruments les
plus improbables, une centaine de personnes qui viennent nous accueillir. C’était bien vrai, le désert
était bien habité. Je pense toujours à cet épisode quand je lis le texte d’Évangile d’aujourd’hui. Je
pense à Jésus. Il entre au désert « poussé par l’Esprit ». Il va y faire une riche expérience humaine et
spirituelle. Il va être tenté comme tout homme est tenté. Trois tentations : celle liée à la faim, celle
liée au pouvoir et à la richesse, celle de prendre la place de Dieu. L’homme que je suis se reconnaît
dans ces trois tentations. L’Église que nous formons peut aussi s’y reconnaître.
« L’homme ne vit pas seulement de pain ! » C’est vrai. Il nous faut plein d’autres choses pour vivre.
Il nous faut d’abord aimer et être aimés. Et combien d’hommes, de femmes, d’enfants n’ont pas cette
joie d’aimer et d’être aimés. Savons-nous nous-mêmes la chance que nous avons d’avoir découvert
un Dieu qui nous aime et que nous pouvons aimer. Avec Lui, nous ne sommes jamais seuls. Il est
venu nous sauver, il est venu nous apprendre que nous comptions pour Lui. Chacun de nous compte
pour Lui. Peu importe ce que nous sommes, nous sommes fils et frères et cela change tant de
choses. L’alliance que Dieu a conclue avec les hommes, avec nous, nous donne cette dignité des
enfants de Dieu . Ce temps de Carême nous donne l’occasion de nous resituer comme les enfants
bien-aimés du Père. Ce temps nous donne d’aller à la rencontre du Seigneur et de nous nourrir de sa
Parole et de son Pain. Le Corps du Christ pris en communion nous donne tant de joie. C’est son
amour que nous prenons pour vivre de sa vie, pour témoigner de son amour. L’homme a tant besoin
d’amour pour vivre et grandir.
« C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte ».
L’homme que je suis a besoin d’adorer, de rendre un culte à Dieu. Mais parfois il se fabrique des
idoles. Le Peuple choisi est tombé dans cet état et le veau d’or a parfois remplacé le vrai Dieu, Celui
qui l’a fait sortir d’Égypte. Aujourd’hui encore les idoles ne manquent pas. L’argent, le luxe, le sexe,
le paraître nous tentent toujours. Saurons-nous nous laisser convertir par le Seigneur pour le
redécouvrir, pour lui rendre le culte que nous lui devons et pour vivre selon sa volonté ? Prendrons-
nous le temps de redécouvrir sa Parole, de revenir aux Écritures ? Retrouverons-nous nos frères et
sœurs qui, comme nous, vivent ce temps favorable, cette montée vers la Pâque du Seigneur ?
Ensemble nous pourrons avancer vers la Lumière de Pâques, en « pèlerins d’espérance ».
« Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu » Dieu est bien présent à son humanité, mais Il
n’est pas responsable de tous les malheurs du monde. Ce qui arrive à l’humanité est souvent le fait
de l’homme. La guerre, les règlements de compte, les dérèglements climatiques ne sont pas le fait de
Dieu. L’homme est pécheur, capable de si belles choses, mais aussi de tant de vilenies. Il demeure
image de Dieu, mais il est aussi marqué par le péché. Les tentations sont présentes, celle de
dominer, celle de combattre son frère et même de l’affamer, de le déconsidérer ; Notre Dieu est un
Dieu d’amour. A nous d’en être les témoins, ceux qui, aujourd’hui, savent vivre comme lui, « doux et
humbles de cœur ». Jamais, nous, témoins du Christ, ne devons alourdir le fardeau de celles et ceux
qui souffrent et qui ont de la peine. Au contraire, nous sommes là pour alléger ce qui peut l’être dans
la vie des hommes.
Aurons-nous l’occasion de vivre un temps de désert pendant ces quarante jours ? Si nous avons ce
temps, profitons-en pour rencontrer le Seigneur notre Dieu. Emportons aussi avec nous nos frères et
sœurs les plus démunis, celles et ceux qui ont besoin d’aimer et d’être aimés. Le Carême n’est pas un
temps solitaire, mais un temps solidaire. « Avec lui nous irons au désert, poussés par l’Esprit.. »